.....Instants de Meije.....

L'exposition "La Meije, un rêve d'alpinisme" présentée tout l'été à la Bérarde et à la Grave comprend deux panneaux de témoignages...

Nous souhaitons prolonger ici ces "Instants de Meije".

Vous pouvez nous écrire par mail fredi.meignan@orange.fr avec si vous le souhaitez une photo de votre choix et nous publierons votre témoignage.

Merci à toutes et tous.

 

Papa, c'est quoi ça ?

 

Des centaines de personnes passent peut-être à son sommet chaque année...

Il n'empêche, atteindre ce sommet avait tout du rêve de gosse !
Dix ans plus tôt, à la Grave, en partance pour les vacances familiales dans le Sud :
"- Papa, c'est quoi ça ?
- Ça c'est la Meije, un des plus grands sommets des Alpes!
- C'est possible d'y monter?
- Oui, mais c'est réservé aux alpinistes !"
Dans une tête déjà pleine d'histoires de montagne, découvrir que l'alpinisme, le vrai, pouvait se pratiquer aux portes de Grenoble était une révélation. Le début de l'histoire avec la Meije.
Après s'être mis à l'escalade pendant un bon moment, 1ère course d'alpinisme l'année dernière, et toujours qu'un seul objectif : la Meije, la Meije, après on verra. Malgré la découverte de sa face Sud, malgré des difficultés annoncées bien en dessous de notre niveau en falaise, sans expérience, elle fait toujours peur ...

Après un mois de décembre caniculaire, une tentative joueuse le 1er janvier avec Alexis...Dommage, 5 centimètres de fraîche nous ralentissent considérablement dans la grimpe, 2 jours plus tôt, ça passait c'est sur...

En montagne tous les weekend, on en vient à faire des choses plus dures, tiens la Meije, ça a l'air possible...Un mois de Juin franchement dégueulasse nous force à la patience, ainsi que la contrainte des agendas des uns et des autres, auxquels on fait la promesse solennelle de réaliser ce sommet ensemble (dédicace à poggi, qui m'a délivré de ma promesse, pour me permettre d'y aller)...

Et finalement le créneau est là... Petite frayeur avec la pluie le samedi, Frédi nous previent : "si ça regèle, cette pluie peut donner une journée à 35 buts ;) "
Le jour J tout se déroule comme sur des roulettes, c'est jamais dur mais long et complet, caillou, neige, glace, tout y passe ;) L'itinéraire est beau, mais beau, incroyable de ne faire que du 3+ dans une muraille comme ça...Et grand moment d'émotion au pic, on serre le père Gaspard dans nos bras...

Il y a plein de sommets que les alpinistes "font", celui-ci ne se laisse pas faire, il fait les alpinistes ! ;)

 

Killy et Anouk

Commentaire publié sur Camp to Camp

 

En haut il y a des phares

comme le Promontoire et l’Aigle...

... en bas il y a la Cordée

 

Marie Claude fait partie des personnages célèbres de la vallée et son hôtel restaurant « La Cordée » est connue bien au-delà de l’Oisans. Née à Bourg d’Oisans, ses racines sont ancrées dans le Vénéon où ses grand parents déjà tenaient La Cordée. Dans sa jeunesse elle aidait ses parents l’été à Saint Christophe en Oisans et l’hiver en station à Chamrousse. Après ses études à Grenoble et plusieurs années à travailler en parfumerie, la question se pose de reprendre ou non La Cordée alors que sa mère part à la retraite.

« La question ne s’est pas posée longtemps, j’ai repris La Cordée naturellement. Si je ne la reprenais pas elle fermait et je ne voulais pas retourner à Saint Christophe si la maison était fermée. Le village, la vallée, se sont mes racines, mon enfance. Aujourd’hui, cela fait une vingtaine d’années que je suis à La Cordée qui est en la famille depuis trois générations »

« Originaire et habitante de vallée, je ne suis montée qu’une seule fois au refuge du Promontoire c’était en 1993. Je travaillais de temps en temps pour le Dauphiné Libéré et je faisais un article sur le Père Jean de Roodenbeke qui était prêtre à Venosc et qui fêtait ses 80 ans au refuge du Promontoire. Ce fut quelqu’un d’important dans la vallée qui a beaucoup apporté, dans le tourisme notamment. Il célébrait une messe au Promontoire, pour moi ce fut une aubaine pour monter là haut. C’était un moment fort d’union entre les gens que je n’oublierai jamais. »

« Quand on travaille ici à Saint Christophe, on est très pris et je n’ai pas l’occasion et le temps d’aller en montagne. Je vis un peu la montagne par procuration, à travers ce que l’on me raconte. Et j’aime cela, j’aime entendre les récits de ceux qui redescendent du Promontoire ou d’autres refuges et qui me racontent leurs aventures et parfois leurs galères lorsqu’ils rentrent tard. Ils viennent à La Cordée fêter leur retour, que se soit bien passé ou pas, c’est toujours un moment de bonheur. Et j’ai plaisir à le vivre avec eux, c’est presque comme si j’y étais et cela créé des liens avec eux. Parfois les gens me demandent si ça ne me manque pas d’aller en montagne. Mais grâce à eux pas tant que ça et puis je vois les montagnes au quotidien.  »

« Ici presque tous les jours les gens viennent et demandent si l’on voit la Meije, ils demandent où elle est, comment la voir. Ce sommet est mythique pour beaucoup de monde. Beaucoup de monde vient pour elle. »

« Un jour le guide Pascal Junique a comparé La Cordée un phare pour la vallée. L’hiver quand on arrive à venir à Saint Christophe malgré la neige, tout est fermé, il n’y a pas une lumière. A part La Cordée, comme un phare pour accueillir les montagnards. En haut il y a d’autres phares comme le Promontoire et l’Aigle et les refuges en général qui sont des repères pour les alpinistes, en bas il y a la Cordée. »

Marie Claude Turc,

"La Cordée" à Saint Christophe en Oisans

 

La musique...

... pour rendre hommage à ces pics et sommets culottés !

 

 

Je suis née dans une famille de musiciens. Un papa guitariste une maman pianiste à ses heures. Des parents qui chantaient tout le temps. J'ai fait collège musique en Normandie, là c'était surtout du piano et chorale. Et puis la Montagne, notre papa nous y a initié très tôt, j'ai fait mes premiers pas, au pied du Sirac, dans la vallée de Champoléon, il nous emmenait grimper tous les étés avec ma sœur. Randonner aussi, surtout dans les Écrins et nous initier sur glacier avec les vieux crampons et les piolets en bois, les vieux beaudards jaunes méga lourds et les excentriques qui faisaient clink clink comme des cymbales.

 

Et puis, le désir de montagne devenait de plus en plus puissant, au lycée, je me disais que j'irai étudier en montagne. Alors après je me suis envolée direction Grenoble, pour les études. Et ma sœur m'a ensuite rejoint d'abord Chamonix puis à Grenoble. On a trouvé une autre paire de sœurs et nous voilà parties en tournée de croque-notes pour faire résonner/déraisonner les montagnes ! Mais c'était encore trop loin des Écrins, alors me voilà désormais dans les Hautes Alpes entre Briançon et Gap. 

 

Pour moi en montagne l’important, c’est ce qui est beau. Peu importe l’engagement, la difficulté, tout ça ne me parle pas. Quand c’est trop dur, et bien on redescend. Il faut savoir rester humble en montagne, même si c’est frustrant. 

Ce qui m’attire c’est la beauté d’une arête, la couleur d’une paroi, la courbe d’une fissure, l’isolement, le calme. L’élancement d’un pic, et quand je suis séduite par la roche, une ligne, c’est comme une attirance insatiable pour aller se percher dessus. Par exemple le flambeau des écrins je le trouve trop canon… et la Meije, avec ses multiples faces ocres dans les Enfetchores, ou alors sa face sud et ses recoins pourpres et toute la ligne qui courre au pavé jusqu’au glacier de Bonne Pierre et sa moraine parfaite et symétrique, ou encore retrouver une « accolade » parfaite entre Blanc-neige et Roche-Noire dans une ligne du Vallon des Étages et laisser son regard s’y suspendre … un labyrinthe de possibilités. 

 

Pourquoi avoir joué de la musique au Promontoire ?

Parce qu’on est aux premières loges pour remercier le ciel, Dame Meije, pour rendre hommage à ces pics et sommets culottés.

Parce que c’est potentialiser la musique que de la faire résonner devant le public des montagnes…

Parce que c’est chouette de partager cela avec les amoureux de la montagne, les alpinistes, grimpeurs ou randonneurs qui passent par là, et les gardiens aussi, quelle belle aubaine Frédi et Nat !

Parce qu’on se sent tellement privilégiés !

Parce que c’est la croisée de deux passions qu’on partage avec les "Croques notes" : la Montagne et la Musique… et l’Amitié complice…. 

En deçà, j’aime le jeu, sous toutes ses formes, jouer avec l’écho, la réverbération du son, la résonance… 

 

 

Chloé Lecarpentier,

 

alpiniste et musicienne.

 

 

En quoi l’aspect technique

d’un secours à la Meije

est il différent ?

 

A la Meije, tous les secours sont techniques et délicats, nous sommes dans le domaine de la haute montagne. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de secours technique en Châtreuse. Mais à la Meije tu es presque à 4000 mètres et les conditions d’aérologie sont très compliquées à gérer pour le pilote et le mécanicien. L’hélico est parfois secoué et il ne peut pas toujours te poser où il le souhaite. Ici il n’y a pas de petit secours, ce sont de grande faces verticales comme on peut retrouver en face nord de l’Ailefroide. La verticalité impose souvent le treuillage des victimes et des secouristes. Le terrain est assez complexe, tu ne peux pas t’assurer partout.

A la Meije les secours s’apparentent à de la haute voltige pour les pilotes de l’hélico, cela impose un très haut degré de maîtrise à tous les secouristes. Parfois nous ne pouvons pas être treuillés directement sur les victimes et l’hélico nous dépose plus loin. Il m’est déjà arrivé d’être déposé au refuge du Promontoire et de devoir monter par la voie normale pour rejoindre des personnes dans le couloir Duhamel. Je me souviens d’un sauvetage en face nord où les secouristes avaient été déposés et avaient dû redescendre dans la face pour rejoindre les victimes. Dans ces cas là, les secours peuvent durer une demi-journée.

 

Quels sont les accidents les plus fréquents ?

 La majorité des interventions se produisent dans la voie normale de la Meije. Entre le refuge et le grand Pic, on est souvent confronté à des erreurs d’itinéraires qui engendrent souvent des chutes et des traumas. Sur la traversée des arêtes se sont plus souvent des personnes fatigués mais indemnes. Il arrive que des cordées passent plusieurs jours sur la montagne et soient épuisées, certain sous-estiment parfois l’ampleur de la course ou sont mal préparés. Dans les faces nord et sud se sont le plus souvent des chutes. Dans la très grande majorité des cas, les interventions nécessitent un treuillage. Pour autant je trouve qu’il y a moins de secours à la Meije aujourd’hui et cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu de grave accident à la Meije.

 

Un secours à la Meije, qu’est ce que cela change pour un secouriste ?

 Les secours sont d’une très haute technicité et tu es en haute montagne, quand tu fais ce métier, c’est pour faire des secours comme ça. En 16 ans j’ai fait entre 15 et 20 secours à la Meije. A chaque fois c’est marquant, quand tu rentres d’un secours comme ça tu es content, comme pour les Grandes Jorasses à Chamonix. C’est vraiment ce qui intéresse un secouriste, on a tous envie d’aller faire un secours là bas. Quand tu fais ce boulot bien sûr tu ne souhaites pas de mal au gens, mais tu souhaites faire des secours techniques. C’est vraiment le cœur de ton métier. Un secours à la Meije c’est particulier, il y a plus de concentration, de stress, d’anxiété. Tu ne sais pas à quoi t’attendre, c’est un peu la cours des grands.

On s’entraîne en allant régulièrement à la Meije, c’est important de connaître les itinéraires, la descente. Et puis on y va pas seulement pour l’entraînement, il y a aussi le plaisir. Ça reste une des plus belles montagnes des Alpes. Les gardiens sont aussi un vecteur essentiel dans la prise d’information et dans l’alerte. Ils surveillent les cordées à la jumelle, connaissent très bien les conditions de la montagne, peuvent nous renseigner sur l’aérologie.

 
Fred Peuvrel,

guide et ancien secouriste au PGHM.

 

Alpiniste anonyme sur

la Traversée de la Meije !

 

Je suis née en Alsace où je vis toujours, à Boersch, avec Rémi et nos deux enfants. Initiée dès mon jeune âge par mes parents aux activités de plein air, j’ai toujours conservé l’attrait de ces activités. C’est vers 25 ans que j’ai eu envie de découvrir autre chose,  d’aller voir plus « haut » en passant au ski de rando et à l’alpinisme pour découvrir un monde qui me fascinait et me semblait tellement inaccessible.

Ce fut d’abord des stages UCPA puis les sorties en autonomie avec des copains, toujours très accessibles à notre petit niveau. C’est en Juin 2003 que je découvre la Meije : premiers contacts avec cette belle montagne à l’occasion d’un stage UCPA nous menant au Doigt de Dieu et à la Meije Orientale. Au refuge de l’Aigle, dans cette ambiance si particulière, chargée d’histoire, où presque rien n’a bougé depuis un siècle, Jean Faure nous vante les beautés du tour de la Meije à skis. Ça donne envie !

Retour en Meije fin mai 2006 donc pour le tour de la Meije ! 4 jours fantastiques avec Bert, des conditions idéales, peu de monde, la Meije est belle et sauvage. Au refuge du Promontoire, ça cause de la traversée des arêtes de la Meije, une "Grande Course" qui flirte avec les 4000m, de quoi me faire rêver....un jour peut être ? Lorsque mon niveau d'alpinisme le permettra ? Je range ça dans un coin de ma tête...

Mai 2007, rencontre avec le guide Jean Annequin. Trois ans et quelques belles courses en montagne estivales ensemble plus tard, Jean me convainc que mon niveau permet d’envisager une grande couse sur un sommet mythique. Ce sera la traversée des arêtes de la Meije, c’est une évidence…et pour rendre les choses plus belles, nous dormirons au sommet du Grand Pic à 3993m  !

En septembre 2012, la Meije est presque déserte malgré des conditions quasi estivales, quel plus beau cadeau pour la jeune maman que je suis depuis quelques mois ? L'accueil de Nathalie et Frédi au Promontoire est à l'image de leur refuge: haut perché ! Leur simplicité, leur disponibilité, leur bienveillance sont un plaisir tout autant que leur cuisine est un régal. Qu’ils ne changent surtout rien !

Le Pas du Crapaud, la Dalle des Autrichiens, les vires du glacier Carré,...les passages s’enchaînent, parfois impressionnants, parfois pas trop durs et permettant alors de profiter pleinement de l’instant. Puis le Cheval Rouge et le chapeau du Capucin : l’ambiance est à la verticalité du versant nord et au vent. Au sommet du Grand Pic, quelle vue, quel privilège de dormir ici avec pour seul voisines la vierge de la Meije et les étoiles !

Le lendemain, changement de style : rocher, glace, neige, montées, descentes, crampons, pas crampons...c’est varié, il y a du rythme, je suis en totale confiance et je savoure la traversée jusqu’au refuge de l’Aigle. Dans la descente vers le Pied du Col, l’adage « L’Oisans se mérite » prend tout son sens.

La Meije est une légende, c’est certain !

Virginie Rieth

alpiniste anonyme sur la Traversée de la Meije

 

 

Presque 14 ans,

 

et presque 8 ans au Promontoire

 

Là-haut depuis 8 ans. 8 ans que j'observe, que je rêve, que j’apprends, chaque petit détail, chaque journée passée là-haut, c'est mon chez moi, mon petit paradis. Je me souviens encore de ma première montée, j'avais 6 ans, le refuge me paraissait tout proche... mais non c’était une montée interminable. Arrivée dans cette petite cabane perchée sur la montagne, c'est magique, tellement beau, tellement grand.

 

Les réveils à 3 heures du matin des alpinistes partant pour la traversée ou la face sud, les petites lampes frontales dans la nuit comme des étoiles dans le ciel.

 

Chaque été je ramène une amie et chaque été elle revient, elle revient pour voir ce paradis, ce monde loin de tout, sans bruit de voitures, de klaxons… pour revoir cette beauté et cette expérience que peu de personnes on la chance de voir. La rencontre avec les guides, les alpinistes, les randonneurs, tous… Jouer au carte, au jeu du petit cochon, ce sont des moments inoubliables.

 

Sans réseau, sans télé, sans rien, on profite de chaque seconde, chaque minute, chaque bruit, chaque personne.

 

Les plus beaux souvenirs que j'ai sont ici, c'est ici que je me rend compte que j'ai beaucoup de chance et c'est ici que j’apprends à réfléchir…

 

5, 10, 15, 20 min a observer ces paysages, ces montagnes, ce lieu magnifique et à se poser des questions sans réponses.

 

Leila Meignan

13 ans